L’employeur peut-il modifier unilatéralement un contrat de travail ?

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La révision du contrat de travail

Article L.121-7. du Code du travail

La procédure prévue par l’article L.121-7 du Code du travail, qui permet à l’employeur d’imposer à un salarié une modification de son contrat de travail en sa défaveur, trouve son fondement dans le pouvoir de direction de l’employeur qui est responsable de l’organisation et du bon fonctionnement de ses services.

Principe : toute modification du contrat de travail en défaveur du salarié qui porterait sur une clause essentielle du contrat de travail doit, à peine de nullité, être notifiée au salarié dans les formes et délais prévus en matière de licenciement avec préavis, et indiquer la date à laquelle elle prend effet.

Le champ d’application

La procédure ne s’applique pas dans les cas suivants :

  • N’est pas visée ici la modification décidée d’un commun accord entre l’employeur et le salarié.
  • La modification en faveur du salarié ne rend évidemment pas nécessaire le recours à cette procédure (ex : une augmentation de salaire).
  • L’employeur peut apporter des modifications légères au contrat de travail d’un salarié qui, si elles ne sont pas substantielles, ne nécessitent pas le recours à la procédure susmentionnée.
  • Ne s’applique pas en cas de reclassement des travailleurs incapables d’occuper leur dernier poste de travail réglementé par les articles L.551-1. et suivants du Code du travail.

N.B : même si la procédure à suivre par l’employeur est la même que celle applicable en matière de licenciement, il ne s’agit pas d’un licenciement mais seulement d’une modification du contrat de travail.

Si le salarié refuse la modification proposée, il est obligé de démissionner ; cette démission forcée est cependant assimilée à un licenciement. S’il ne démissionne pas, il est obligé de respecter les nouvelles dispositions du contrat.

Les conditions de forme

Lorsque l’employeur occupe au moins 150 salariés, la modification substantielle doit être précédée d’un entretien préalable et il faut également observer les mêmes formalités qu’en cas de licenciement.

Les conditions de fond

La modification avec préavis : l’employeur doit avoir des motifs précis, réels et sérieux pour modifier unilatéralement le contrat. Ainsi, le salarié qui se voit infliger une modification substantielle avec préavis a le droit de demander les motifs de la modification, et ce dans un délai d’un mois.

L’employeur est tenu de communiquer les motifs par écrit dans un délai d’un mois à compter de la date de la demande.

La modification avec effet immédiat : l’employeur doit avoir un motif grave justifiant cette modification. La lettre qui annonce la modification doit mentionner ce motif de manière précise.

Le maintien des droits des travailleurs en cas de transfer d'entreprise

Articles L.127-1. à L.127-6. du Code du travail

Ces dispositions s’appliquent à tout transfert d’entreprise publique ou privée, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement résultant notamment d’une cession conventionnelle, d’une fusion, d’une succession, d’une scission, d’une transformation de fonds ou d’une mise en société.

Le maintien des droits des travailleurs

Principe : les droits et obligations qui résultent pour le cédant (ancien employeur) d’un contrat de travail (CDI, CDD, contrat de travail à temps partiel) ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire (nouvel employeur qui reprend l’entreprise).

Ainsi, sont également à considérer comme relations de travail les contrats de mission tels que définis par le Code du travail dans ses articles relatifs au travail intérimaire et existant à la date du transfert.

Le principe du maintien des contrats de travail

Le transfert d’entreprise ne peut en principe pas avoir d’incidence sur les contrats de travail en cours auprès du cédant. En effet, le cessionnaire est obligé de reprendre, sous les mêmes conditions de travail, les contrats de travail en cours si les salariés continuent de travailler dans une même entreprise.

Ainsi, les travailleurs ayant rejoint un établissement par l’effet d’un transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement sont censés faire partie de cet établissement depuis la date de leur entrée en service auprès de l’employeur initial.

Condition : pour que le principe puisse s’appliquer, il faut qu’il y ait transfert d’une entité économique qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise. L’opération de cession doit porter sur un ensemble, sur une entité économique qui forme un tout.

Le transfert peut également porter sur une partie d’une entreprise seulement ; de telles opérations, qu’on qualifie de « outsourcing », sont fréquentes de nos jours.

Illustration : cette entité doit, sur le plan des moyens humains et techniques, avoir suffisamment de consistance pour constituer, soit un établissement, soit du moins une entité de production ou un centre d’activité distinct. Cette entité économique s’entend d’un ensemble de facteurs de production affectés à une même exploitation. Lorsque ces moyens d’exploitation sont transférés tout en conservant leur destination (leur affectation à la même activité ou à des activités analogues), l’entité économique conserve son identité.

Un double critère est donc mis en œuvre : la persistance d’un ensemble de moyens de production organisés et la poursuite d’une activité identique ou similaire (C.S.J.29.01.1998).

L’appréciation de la continuité et la permanence de l’entreprise cédée se fait, non pas par la permanence matérielle de l’entreprise, mais par la continuité de son objet. Pour qu’il y ait persistance de l’entreprise, il suffit que l’activité du personnel se poursuive dans les mêmes locaux et dans le but de réaliser les mêmes fabrications, et que ce soit la même entreprise qui continue à fonctionner sous une direction nouvelle.

Il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement la persistance d’un objet commercial ou industriel et d’un groupement de moyens destinés à atteindre cet objet.

Attention, ne sont pas considérées comme transfert :

  • La simple prise de participation dans le capital d’une société ou la prise de contrôle d’une société par une autre n’emportant pas de changement dans la situation juridique de l’employeur ;
  • La reprise d’un fonds de commerce portant sur un débit de boissons par un nouvel employeur exploitant dans les locaux repris un magasin de vente au détail de vêtements.

Les obligations du cédant au cessionnaire

Le cédant et le cessionnaire sont, après la date du transfert, responsables solidairement des obligations venues à échéance avant la date du transfert à la suite d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert. Le cédant est tenu de rembourser les montants acquittés par le cessionnaire en application de l’alinéa précédent, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans une convention entre cédant et cessionnaire.

La reprise du contrat de travail

Le transfert de l’entreprise ne constitue donc pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire. Le cessionnaire est obligé de reprendre les contrats de travail à des conditions inchangées.

Ainsi, si le salarié accepte le transfert, le cessionnaire est obligé de reprendre son contrat de travail à des conditions inchangées ; le refus par le nouvel employeur de reprendre son contrat de travail équivaut à une résiliation abusive.

Toutefois, il ne s’agit pas d’une protection du salarié contre le licenciement : il n’est pas interdit à l’ancien employeur de procéder à des licenciements avant le transfert de l’entreprise ; ces licenciements doivent toutefois reposer sur un motif réel et sérieux.

Ainsi, pour déterminer si le licenciement ainsi intervenu a été motivé ou non par le seul fait du transfert, il convient de prendre en considération les circonstances objectives dans lesquelles le licenciement est intervenu comme, notamment, le fait qu’il ait pris effet à une date rapprochée de celle du transfert.

Le cessionnaire devenu le nouvel employeur des salariés transférés jouit toutefois des mêmes droits et prérogatives que tout employeur ; il peut donc, le cas échéant, procéder à des licenciements de salariés transférés, si ces licenciements reposent sur des motifs réels et sérieux.

Le nouvel employeur peut également décider d’organiser l’entreprise cédée de la façon qui lui semble la plus appropriée ; ainsi, une réorganisation de l’entreprise après la cession pourrait avoir pour conséquence des licenciements pour motifs économiques. Dans ce cas, le motif du licenciement consistera dans la réorganisation de l’entreprise, et non pas dans le transfert de l’entreprise.

Si le salarié n’accepte pas son transfert, il lui appartiendra de prendre l’initiative de la rupture du contrat et de démissionner volontairement de son poste auprès du cédant.

Toutefois, si le contrat de travail est résilié par le salarié du fait que le transfert entraîne une modification substantielle des conditions de travail au détriment du salarié, la résiliation du contrat est considérée comme intervenue du fait de l’employeur et s’analyse donc, non pas comme une démission, mais comme un licenciement.

Le salaire

Il n’y a pas conclusion d’un nouveau contrat de travail avec le nouvel employeur : le salaire reste en principe le même, le salarié garde son ancienneté de service acquise auprès du premier employeur, la nature du travail demeure inchangée.

Les conditions de travail

Après le transfert, le cessionnaire doit maintenir les conditions de travail convenues par la convention collective de travail dans la mesure où celle-ci les a prévues pour le cédant, et ce, jusqu’ à la date de la résiliation ou de l’expiration de la convention collective ou de l’application d’une autre convention collective.

L’application de la convention collective

La continuation de l’application des règles de la convention collective après le transfert ne s’applique évidemment pas aux salariés engagés seulement après le transfert.

L’information et la consultation

(Article L.127-6 du Code du travail)

Le cédant et le cessionnaire sont tenus d’informer les représentants légaux de leurs travailleurs respectifs concernés par le transfert sur :

  • La date fixée ou proposée pour le transfert,
  • Le motif du transfert,
  • Les conséquences juridiques, économiques et sociales du transfert pour les travailleurs,
  • Les mesures envisagées à l’égard des travailleurs.

Le cédant est tenu de communiquer ces informations aux représentants des travailleurs en temps utile avant la réalisation du transfert.

Le cessionnaire est tenu de communiquer ces informations aux représentants de ses travailleurs en temps utile, et en tout cas avant que ses travailleurs ne soient affectés directement dans leurs conditions d’emploi et de travail par le transfert.

Lorsque le cédant ou le cessionnaire envisage des mesures à l’égard de leurs travailleurs respectifs, ils sont tenus de procéder, en temps utile, à des consultations sur ces mesures avec les représentants légaux de leurs travailleurs respectifs en vue d’aboutir à un accord.

L’information et la consultation doivent au moins porter sur les mesures envisagées à l’égard des travailleurs.

Si l’entreprise est dépourvue d’une délégation du personnel, les salariés concernés doivent être informés préalablement de l’imminence du transfert.

Le devenir des membres des délégations du personnel

(Article L-413-2(5) du Code du travail)

En cas de transfert d’entreprise le statut et la fonction de la délégation du personnel subsistent dans la mesure où l’établissement conserve son autonomie.

En cas de perte d’autonomie : les membres de la délégation du personnel feront de plein droit partie de la délégation du personnel de l’établissement qui accueille les travailleurs transférés. La délégation ainsi élargie procèdera sans délai à la désignation d’un président, d’un vice-président, d’un secrétaire et d’un bureau.

La composition exceptionnelle de la délégation du personnel prendra fin lors de son premier renouvellement.

Si les travailleurs de l’établissement ne conservant pas son autonomie sont accueillis par un établissement qui n’a pas de délégation du personnel, la délégation du personnel de l’établissement transféré fera office de délégation commune.

Les membres du comité mixte d’entreprise

En cas d’un transfert d’entreprise le statut et la fonction du comité mixte subsistent dans la mesure où l’entreprise conserve son autonomie.

En cas de perte d’autonomie : les membres du comité mixte feront de plein droit partie du comité mixte de l’entreprise qui accueille les travailleurs transférés, sans préjudice du droit du chef d’entreprise de procéder au renouvellement de ses propres représentants.

La composition exceptionnelle du comité mixte prendra fin lors du premier renouvellement des représentants du personnel.

Si les travailleurs de l’entreprise ne conservant pas son autonomie sont accueillis par une entreprise qui n’a pas de comité mixte, le comité mixte de l’entreprise transférée fera office de comité mixte commun.

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Anne-Sophie Comazzi